Pour lancer Ulysse l’Original, volet languedocien de « Ulysses »,
en collaboration avec les Frac Bretagne et Provence-Alpes-Côte d’Azur,
le Frac Languedoc-Roussillon propose la rencontre de Philip Vormwald
et de Martin Hyde. **** film by Baptiste César ****
La méthode de Martin Hyde s'exerce sur des plans très divers, mais toujours à des fins pratiques :
elle implique une série d'attitudes mentales combinant le flair, la sagacité, la débrouillardise…
Multiple et polymorphe, elle s'applique à des réalités mouvantes qui ne se prêtent ni à la mesure
précise ni au raisonnement rigoureux. Engagées dans le devenir et l'action, ses pièces prennent
forme sur différents niveaux de pratique et de pensée, de la chasse à la médecine, de la pêche à
Pinocchio. Ses œuvres : essentiellement des films, des installations totales et des grands dessins
bizarres.
Hyde construit avec des matériaux éclectiques des univers surréels et étranges dégageant une
énergie onirique, voire grotesque, sur le mode d’une interrogation presque naïve et sous
l’apparence d’une farce porteuse de l’héritage de personnages qui vont de Georges Méliès à George
Romero. À travers les techniques par lesquelles il combine des filets, tresse des pièges, ajuste des
morceaux de bois pour en faire dans la charpenterie un objet nouveau, le travail de Martin Hyde
livre un combat contre le réel.
Et en ce sens, il ne s’agit pas d’élaborer un modèle, qui serait comme un filet dans lequel il pourrait
prendre les choses, il s’agit véritablement d'utiliser les choses, de les maîtriser à sa manière, de se
rendre non seulement semblable à elles, mais plus souple, plus dangereux, de les rendre plus
ambiguës que les choses elles-mêmes à quoi elles s’appliquent.
© Οὖτις
Au début, face à ses œuvres défilent sous nos yeux l’esprit des constructivistes et leur
géométrisation de l’espace tout autant que de l’architecture, Marcel Duchamp et ses
rapprochement incongrues d’objets tout autant que sa Mariée mise à nu par ses
célibataires, même, les surréalistes et leurs associations libres. Le futur s’en mêle
ensuite, un futur mécanisé et moderniste bien sûr, un futur anticipé à la Métropolis de
Fritz Lang.
Puis apparaissent les gestes de l’artiste, des effacements à la gomme, des
perturbations qui donnent vie à l’abstrait. L’artiste est bien là, grand créateur - par sa
taille tout autant que par la complexité de ses créations - à l’origine de ces mondes.
Les références disparaissent pour laisser place au monde très personnel de Philip
Vormwald. Il répète cette forme ovale réalisée à l’aide d’un pochoir récupéré d’une
boîte de mouchoirs, comme des notes sur une partition, comme un personnage que l’on
retrouve au fil d’une histoire. Des paysages apparaissent, dissimulés derrière des stores.
Les couches de matières, de formes, d’idées se donnent à voir à qui s’approche de ces
dessins qui s’imposent pas leur taille tout autant que par la saturation des multiples
couches de matière qui les construisent. Vormwald s’est tout d’abord intéressé à
l’image en mouvement, le cinéma et la vidéo. Or il semblerait que ses dessins
condensent l’ensemble des scènes filmées pour la réalisation d’une vidéo, entre
fugacité et ténacité. À moins que ces dessins racontent un film qui n’aurait pas encore
été tourné, ou un film tourné à l’envers, ou une sculpture qui n’aurait pas encore été
réalisée, ou une citation qui n’aurait pas encore eu lieu. Comme si ses œuvres étaient
des croquis, des pré-histoires d’histoires à venir.
Philip Vormwald travaille au sol. Son corps vit activement l’art qu’il pratique avec
boulimie. L’artiste franco-allemand, à l’image des pataphysiciens, crée des mondes à
partir de solutions imaginaires. Pour Méandres, il s’est mis à la place d’un architecte
grecque de l’âge d’or en train de trouver un moyen de construite un bâtiment. Les
ornements grecs et égyptiens l’attirent autant que l’âge médiéval. Parfois, il s’inspire
de plans de Leonard de Vinci, de Stanley Kubrik, d’un bâtiment de l’ex RDA ou imagine
un monde peuplé de pirates et d’espions du Tajikistan, des lampes plus grandes que les
maisons qui ont des loupes à la place des fenêtres, d’un radeau sur lequel on ne peut
pas mourir, ou un rayon laser noir. Ses œuvres renferment des énigmes. « Je veux
inventer des choses, je veux avancer, on est aussi artiste pour cela, pour pouvoir faire
tous les jours quelques choses de différents et j’espère aller ailleurs. »
(Aude de Bourbon Parme, dans Slicker, janvier 2013)